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Rezension

Bryn Mawr Classical Review vom 23.05.2007

»En plaçant d'emblée cet ouvrage collectif sous les auspices de Symmaque (suus enim cuique mos est, suus cuique ritus est, Relatio III), son éditeur scientifique, U. Schmitzer, plaide vigoureusement en faveur de l'autonomie d'une culture païenne qui serait restée vivace bien après la victoire définitive du christianisme, la réaction des derniers irréductibles, naguère étudiée par P. de Labriolle, et l'avènement d'un modèle culturel chrétien. Ce faisant, l'ouvrage collectif d' U. Schmitzer s'inscrit dans un mouvement, désormais presque général, qui reconnaît la spécificité des oeuvres tardo-antiques, sans y voir la preuve la plus manifeste d'une "décadence romaine", qui n'a jamais existé en tant que telle, comme l'a montré une fois pour toutes H.-I. Marrou. Mais ce recueil s'inscrit surtout dans une tendance sensiblement plus récente (à de notables exceptions près) qui vise à reconsidérer les oeuvres païennes pour et en elles-mêmes, indépendamment du cadre polémique de l'affrontement avec le christianisme, qui, de toutes les façons, n'a pas duré éternellement, non pas même en tant que simples documents, mais en tant que monuments, pour reprendre l'opposition établie par M. Foucault, en quelque sorte sub specie aeternitatis. Il y a, dès lors, tout lieu de se féliciter de la publication d'ouvrages apportant un éclairage nouveau sur des textes et des sujets qui sont parfois longtemps restés dans l'ombre, sur des auteurs qu'on a souvent voulu enfermer dans des cadres trop exclusifs et absolument définitifs.

L'ouvrage rassemble neuf contributions d'inspiration et de style fort différents. Dira-t-on que l'on peine à trouver une unité et une cohésion interne dans ce recueil? Ou, plutôt, qu'il reprend à son compte le goût tardo-antique pour la poikilia et le mélange des formes et des tons? Cette question nous amène à considérer l'un des aspects les plus importants de la définition d'une culture spécifiquement païenne, puisque c'est là le sous-titre de l'ouvrage : si, au quatrième siècle (et même au-delà) il est une culture païenne, c'est bien dans le décloisonnement des disciplines, des sources et des genres, et singulièrement à leur croisement, qu'on en discerne les éléments constitutifs. Pour la théorie de la connaissance, le passage d'une culture traditionnelle, qui reste d'une très grande acuité (comme le prouve la prégnance des auteurs du quadrige du rhéteur Arusianus Messius, et surtout de Virgile, poète total), à l'encyclopédisme tardo-antique, qui débouchera sur la définition des sciences du triuium et du quadriuium, procède prioritairement d'une exigence d'universalité: il n'est alors de culture que générale. C'est la raison pour laquelle il est précieux, au-delà d'une apparente discontinuité, de voir le présent ouvrage traiter de questions si variées.

Une première contribution, extrêmement fouillée, de U. Schmitzer (p. 9-24), intitulée "Der Königin Nachtlied. Zu einer spätantiken Adaptation der Sage von Dido und Aeneas (Ant. Lat. 71 Sh.B.), présente, à la lumière de sources multiples et d'une bibliographie très sûre, un exemple emblématique de transfert culturel et de la circulation d'un texte illustre à travers les âges.

Un article de R. Klein, "Die dritte Relatio des Symmachus. Ein denkwürdiges Zeugnis des untergehenden Heidentums", p. 25-58, offre, entre autres choses, un exposé historique global des ultimes querelles ayant alimenté le conflit entre le christianisme triomphant et les militants païens. Ces derniers trouvèrent en Symmaque le défenseur le plus actif de leur cause au Sénat, où il prononça des discours qui firent de lui l'un des orateurs les plus appréciés de son époque. Cet engagement politique se déploya avant tout au nom de la défense de la tradition religieuse : c'est, à partir de 382, l'affaire de l'autel de la Victoire, dont les membres de l'aristocratie païenne et traditionaliste appelaient de leurs voeux le rétablissement, qui fit de Symmaque le porte parole officiel du parti païen. Si l'article de R. Klein reprend pour une bonne part ses deux ouvrages, bien connus des spécialistes du paganisme tardo-antique (Symmachus. Eine tragische Gestalt des ausgehenden Heidentums, Darmstadt, 1971 et Der Streit um den Victoriaaltar. Die dritte Relatio des Symmachus und die Briefe 17, 18 und 57 des Mailänder Bischofs Ambrosius, Darmstadt, 1972), il a l'intérêt de se confronter avec la bibliographie parue entre temps et d'ouvrir de nouvelles perspectives très porteuses.

P. Fleischmann présente ensuite, p. 59-114, une lecture détaillée de la préface de Servius à son commentaire de l'Enéide ("Die praefatio zum Aeneiskommentar des Servius und die Tradition der Auslegung"). Après avoir mis en contexte l'entreprise de Servius, à partir d'une bibliographie très nourrie (on insistera sur l'importance méthodologique des travaux de H.D. Jocelyn ("Ancient Scholarship and Virgil's Use of Republican Latin Poetry, I", Classical Quarterly, 14, 1964, p. 280-295 et "Ancient Scholarship and Virgil's Use of Republican Latin Poetry, II", Classical Quarterly, 15, 1965, p. 126-144, cités p. 89), l'auteur commente la préface de façon rigoureuse et systématique, aussi bien en ce qui concerne la démarche originale suivie par Servius que pour ce qui touche à l'intertextualité (voir notamment les passages consacrés à l'imitatio et à l'aemulatio Homeri), avant d'ouvrir les perspectives grâce à diverses comparaisons avec les commentaires de Donat.

Si les liens existant entre les arts plastiques et figurés et les oeuvres littéraires à l'époque tardive ont fait l'objet d'études particulières, l'article de P. Kranz, "Vom Kunstwerk der Götzenbilder", p. 115-166, offre un développement introductif sur l' "Idealplastik" dans l'Antiquité tardive, qui s'avère particulièrement précieuse pour les non-spécialistes, et un splendide catalogue de représentations (masques, statues, statuettes. . .). On soulignera — complément très utile — la présence d'une bibliographie systématique en fin d'article.

Marquant un retour à des analyses plus littéraires, un second article de U. Schmitzer, "Amor in der Unterwelt. Zu Ausonius' Gedicht Cupido Cruciatus", p. 167-184, ouvre aussi une série de microlectures et d'analyses philologiques. Tout en décryptant les allusions littéraires du poème étudié (à Virgile, à la tradition, ici inversée, du locus amoenus), l'auteur suit dans le détail ses quatre moments successifs ("der szenische Ramen : die düstere Atmosphäre in der Unterwelt"; "der Katalog der durch Amor zu Schaden gekommenen Frauen"; "die Ergreifung und Bestrafung Amors"; "das überraschende Ende").

W. Kissel repose alors, en philologue, la question de la reconstruction du poème 6 de la Commemoratio professorum Burdigalensium d'Ausone, dont l'ordre des vers n'est pas fixe ("Sortieren von Trümmern. Zur Rekonstruktion von Ausonius, prof. 6", p. 185-200). Constatant que les solutions élaborées jusqu'à présent par la critique sont aussi multiples que contradictoires, l'auteur propose, à son tour, une hypothèse de ce que devait être l'ordre du poème dans sa version originale, dont il offre une traduction allemande en regard. En complément, Ch. Schubert ("Weiteres zum Versfolge von Ausonius prof. 6", p. 201-213) apporte maintes précisions codicologiques sur les modalités de la transmission du poème d'Ausone, notamment à partir de Codex. Voss. Lat. F 111, et définit un cadre méthodologique pour la reconstruction de l'ordre original du poème. Deux contributions sont ensuite consacrées à Claudien. S. Koster, dans son article "Der alte von Verona (Claud. carm. min. 20)", p. 215-227, traduit le poème 20 des carmina minora et l'éclaire de façon très suggestive, notamment en ce qui concerne l'intertexte virgilien et élégiaque, et la technique d'écriture du poète. Dans son étude "Das dialektische Bildungsverständnis des Staatsdichters Claudians. Humanistische Kulturpädagogik als politischer und ontologischer Appell", p. 229-247, Th. Kellner – auteur d'un ouvrage de référence sur les représentations de la divinit chez Claudien (Die Göttergestalten in Claudians De raptu Proserpinae. Polarität und Koinzidenz als anthropozentrische Dialektik mythologisch formulierter Weltvergewisserung, Stuttgart / Leipzig, B.G. Teubner, 1997) – met ici en évidence les différents statuts du De raptu Proserpinae, et s'intéresse en particulier au programme pédagogique que l'oeuvre recèle. L'ouvrage se conclut sur une très courte contribution de W. Srb ("Textkritisches zu Eutrop 1, 20, 3-4"), p. 249-252, consacrée à une question ponctuelle de critique textuelle à propos du Breviaire d'Eutrope.

Le passage en revue des différents articles qu'il rassemble fait aisément apparaître la richesse et les multiples visages de ce recueil collectif, dont chaque étude mérite assurément une analyse plus détaillée que ne le permet le format traditionnellement restreint d'un compte rendu. Cette poikilia toute tardo-antique offre une belle démonstration des hypothèses posées dans l'introduction, qui misait sur la singularité d'une culture païenne autonome, même si son unicité est précisément à chercher dans la diversité. D'étude en étude, on constate la récurrence d'un certain nombre de motifs, le cas le plus manifeste étant l'influence que continuèrent à avoir la figure de Virgile et son oeuvre. On regrettera seulement l'absence d'une bibliographie globale et d'un index systématique qui auraient facilité la consultation d'un ouvrage assez touffu. La définition de sous-sections aurait peut-être également rendu plus aisé le travail du lecteur, tout en insistant délibérément, et à bon droit, sur le caractère pluridisciplinaire de cet ouvrage collectif — condition absolument nécessaire dès lors que l'on entend mettre en lumière les spécificités de la culture païenne.«

Benjamin Goldlust, Universitē Paris IV

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